
Le 28 août 2025, à la maison de la Conversation (Paris 18ᵉ), 100 participants – dirigeants, chercheurs, élus, entrepreneurs – se sont retrouvés non pas pour « écouter », mais pour expérimenter le lien social. Objectif : répondre ensemble à une question brûlante pour les organisations et la société : comment retisser du lien à l’heure de l’isolement, du télétravail et des fractures sociales ?
Ni colloque académique, ni séminaire descendant : cette première première Université d’Été a été pensée comme une expérience sociale conçue et facilitée par Xavier Cazard, le fondateur de la maison de la Conversation et Chloé Grabli, fondatrice de Mensch Collective. La matinée a été structurée autour de deux temps forts : “se nourrir “ grâce aux interventions de 8 actrices et acteurs du lien social et “construire” avec la mobilisation des participants.
Un diagnostic sévère mais partagé
Le constat posé dès l’ouverture ne souffre pas d’ambiguïté : la solitude est devenue une épidémie sociale. Alexandre Jost, fondateur de la Fabrique Spinoza, a rappelé que « plus de 500 000 personnes vivent aujourd’hui en France en situation de “mort sociale” » et que « chez les jeunes, 25 % déclarent des symptômes dépressifs liés à l’isolement ».
La défiance s’installe, la mixité se réduit, l’inattention civile progresse. Résultat : la société se fragilise, et avec elle les organisations. Pour Jost, « on ne sort pas d’une épidémie de solitude avec des slogans, mais avec une ingénierie du lien : des rituels, des métiers, des lieux… ». Le lien social, dit-il, n’est pas un supplément d’âme mais « un multiplicateur de toutes nos politiques : santé, éducation, écologie, économie, démocratie ».
Le lien, un déterminant de santé
Un autre chiffre a marqué les esprits. Sandrine Brandt, directrice de l’Engagement chez Harmonie Mutuelle, a rappelé qu’un isolement social prolongé augmente de 32 % le risque de mortalité. « C’est aussi puissant que le tabac ou l’alcool », précise-t-elle. Pour une mutuelle à mission, cela change tout : « Nous ne voulons pas seulement rembourser des soins, mais agir sur ce qui fait vraiment la santé : les conditions de vie, les relations, la qualité du collectif. »
Pendant la crise sanitaire, Harmonie Mutuelle a expérimenté les « appels de courtoisie » : 170 000 adhérents isolés appelés simplement pour prendre de leurs nouvelles. « La gratuité du geste a tout changé », témoigne Sandrine Brandt. Une démonstration que la chaleur d’un lien humain peut être un soin en soi.

La présence avant l’outil
L’Université d’Été ne s’est pas limitée à un état des lieux. Elle a exploré la question du comment. Le chercheur en organisation Léo Bancou a mis en garde : « Le lien n’est pas un algorithme. » Les IA génératives promettent de nous aider à « mieux communiquer », mais la communication ne suffit pas : « On ne tisse pas une communauté avec des prompts, mais avec des corps présents, des mots partagés et des gestes. »
Pour lui, la priorité est de réancrer nos pratiques dans la présence : marcher ensemble, s’asseoir en cercle, partager un repas, écouter en silence. « Le corps est le premier médium du lien », rappelle-t-il, et aucune technologie ne peut s’y substituer.
Des preuves de terrain
Plusieurs témoignages ont montré que cette ingénierie du lien est déjà à l’œuvre.
- Éric Lejoindre, maire du 18e, a défendu la mixité comme colonne vertébrale : « S’il fallait se ressembler pour vivre ensemble, le 18e serait en guerre ; or il tient. La mixité n’est pas un pari, c’est une preuve. »
- Vincent Lacote, directeur du centre social La Maison Bleue, a raconté comment des banquets citoyens organisés dans la rue ont fait revenir des publics invisibles : « Quand on cuisine, qu’on s’assoit et qu’on parle, un quartier cesse d’être un décor : il redevient une communauté. »
- Serge Widawski, directeur général d’ APF France Handicap a plaidé pour passer de l’inclusion à l’inclusiversalité, c’est concevoir les solutions à partir des besoins les plus exigeants pour qu’elles profitent à tous.
- Alae Elhayyate, fondateur de Frimake, a présenté son application qui transforme les villes en réseaux de rencontres « en vrai » : randos, repas, tennis improvisés… « On ne soigne pas la solitude avec des likes, mais avec des rencontres.
- Sophie Lawson, fondatrice de Mamayoka a présenté son credo : pour transformer des parcours cabossés en compétences solides et une équipe en communauté professionnelle, il y avait un triptyque simple et exigeant : accueillir, engager dans l’action et adapter.
Trois priorités et cinq actions
Grâce à la facilitation, les 100 participants ont convergé vers un socle commun. Trois priorités :
Créer des contextes intentionnels de rencontre : le lien ne naît pas du hasard mais d’un cadre pensé pour la confiance.
Re-designer les moments collectifs existants (réunions, séminaires, fêtes) pour en faire de vrais activateurs de lien.
Muscler nos compétences sociales : apprendre à écouter, à accueillir la diversité, à avoir des conversations difficiles.
Cinq actions phares ont émergé :
une plateforme pour relier les lieux de lien social,
valoriser les micro-gestes (bonjour, sourire),
engagement direct des dirigeants,
écouter les salarié·es sur leurs besoins relationnels,
s’entraîner aux conversations difficiles.
Pour les entreprises : une opportunité stratégique
L’enseignement pour les organisations est clair : le lien social est un levier stratégique. Il réduit l’absentéisme, stimule la coopération, soutient la santé mentale et facilite la transition écologique par des engagements collectifs durables.
Pour les organisations l’enseignement est clair, le lien social est un levier stratégique qui offre des bénéfices concrets :
réduction de l’absentéisme,
meilleure coopération interne,
soutien à la santé mentale,
facilitation de la transition écologique par l’engagement collectif.
Comme le résume Anne Thévenet-Abitbol (Groupe Danone) : « Créer du lien, ce n’est pas seulement être ensemble, c’est s’autoriser à se réveiller les uns les autres. »
Et après ?
La maison de la Conversation veut aller plus loin : engager 20 organisations par an dans des démarches concrètes et mesurables, et organiser une deuxième Université d’Été le 27 août 2026. « Avoir de l’impact, c’est prendre conscience que le besoin de lien est universel, que personne n’est seul et que chacun peut agir », concluent Xavier Cazard et Chloé Grabli, les artisans de ce format inédit.
À retenir :
- Le lien social est un déterminant de santé, de performance et de cohésion.
- La facilitation transforme des conférences en expériences de coopération.
- Les entreprises peuvent être des acteurs-clés de cette ingénierie du lien.
Et si votre prochain séminaire devenait un laboratoire du lien social ? La maison de la Conversation accompagne déjà plus de 500 organisations.